Bénin - Nos voyages de suivi sont des occasions uniques pour découvrir de nouvelles spécificités et nous surprendre. Exemple auprès d’un groupement de femmes.
Tel un détective, je sillonne le Couffo en visitant les différents groupements que nous avons accompagnés et ceux que nous allons soutenir, afin de mieux comprendre leurs réalités. Lors des rencontres, certaines situations nous semblent «illogiques». Lors de mon dernier voyage au Bénin, j’ai été surpris par un échange.
La présidente de la coopérative de Kinkinhoué m’explique qu’il avait été difficile de générer des revenus avant la réalisation de l’unité de production de savons. Cette réponse me perturbe. Pourquoi ont-elles poursuivi cette activité peu rentable ? Les précisions de la présidente sont éloquentes : « Nous nous sommes mises ensemble, car nous nous appréciions et nous voulions une activité commune. Générer des revenus est un objectif ; mais il est secondaire. L’aspect social prime sur l’aspect financier ! ». Mes oeillères « économiques » m’avaient aveuglé jusqu’à cet échange.
Les unités de transformation de manioc, d’huile ou de production de savons mises en place ces dernières années dans les communes de Toviklin et Djakotomey ont propulsé les différentes coopératives dans de nouvelles dimensions. Désormais, elles génèrent des fonds considérables qui permettent de bien rémunérer les membres. Ce changement est accueilli avec joie, car il permet d’améliorer la vie des familles, tout en renforçant l’autonomie féminine. Ces retombées financières restent perçues comme une sorte de bonus et ne détrônent pas l’aspect social.
Cet échange me renvoie inéluctablement à notre société et à son fonctionnement. Est-ce que nous n’avons pas perdu une composante essentielle de nos activités, en rapportant tous les aspects de nos vies à l’argent ? Les femmes de Kinkinhoué, ainsi que d’autres coopératives sont une inspiration, à condition que nous soyons prêts à déconstruire certaines de nos idées bien ancrées.
Xavier Mühlethaler